42- Où suis_je ?
CHAPITRE 42
Elle me fait les yeux doux, satané truc ! Déjà qu'elle est mignonne mais en plus avec ses yeux de chien battu comment lui refuser quoi que ce soit ? J'expire bruyamment et elle se frotte les mains toute souriante.
- C'est parti !
Je me munis de toute ma patience et la suis à travers les couloirs. Je vois des yeux s'attarder sur elle et c'est sans hésitation que je fait comprendre le message à ces chiens assoiffés. Et c'est avec la plus inexistante motivation que j'entre en cabine d'essayage...
Je commence par un jean noir et un haut blanc. J'enfonce sur mes épaules une veste style campagnard et sors. Elle me juge du regard puis me demande de prendre la pose. Et elle me prend en photo. Si elle veut des souvenirs, fallait juste visiter mon compte insta...
Je passe l'heure à essayer et quand je jette un œil aux étiquettes, mon menton en tombe dénué. C'est hors de prix dans ma situation ! Pourquoi n'ais-je pas pensé à regarder ça plus tôt !
- T'a finis Josh ? m'interpelle Lily.
- Oui, oui...
Oubliant ma tenue comme un idiot, simplement vêtu d'un boxer, je répond oui.
- Euh...non !
Trop tard elle ouvre déjà le rideau. Elle cligne des yeux puis referme aussi vite qu'elle peut. Je l'entends marmonner je ne sais quoi mais me dépêche de me vêtir. Quel con !
PDV LILY
J'ouvre sur Josh à moitié à poil, simplement habillé d'un caleçon. Sous le choc en premier, je me frappe mentalement avec un dictionnaire puis le temps que mes neurones se réveillent, je referme aussi vite que je puisse. Qu'elle idiote !
- Je vais l'étriper ce gosse... Pourquoi a-t-il fait ça ?
Regardez-moi ça ! Elle rougit encore une fois ! Pour la troisième fois de la journée ! Quel record !
- Ferme-là toi ! Comment vais-je effacer ça de ma tête ?!
Haha, n'essaie pas. Ça va te hanter !
- Oh purée... Comment vais-je dormir moi ?!
Josh sort de la cabine et me regarde étrangement.
- À qui tu parlais ?
- Toute seule... murmurais-je honteuse. Donc, me repris-je au plus possible, tu vas prendre ça... Et ça, ça aussi en fait ! Et celui-là te va parfaitement avec ce haut là ! Et ces chaussures bien sûr !
Arrivés à la caisse je pose le tout, et au moment de sortir ma carte, je vois le regard de la caissière jugeurs et de certains clients. Quoi, j'ai droit de lui payer ? Je ne vois pas le problème. Si ça aurait été moi à sa place, ça n'aurait rien fait mais vu que c'est lui qui se fait payer ses affaires par une fille, c'est nul... Qu'elles idées pourries de la société...
- Tu ne veux pas qu'on s'en aille ? Et qu'on revienne plus tard ? fit Josh gêné.
- Ça ne sert à rien... Vaut mieux les prendre maintenant... Si ça te dérange de porter les sacs, je le fais, Josh...
- Non, c'est pas ça... C'est que...
Ah, je vois...
- Écoute, je sais pour ton compte bancaire... Mais c'est un cadeau ! C'est différent !
- Lily, c'est trop... Je ne peux pas accepter. Déjà que tu m'héberge... marmonne-t-il.
Je l'observe du coin de l'œil, déçue...
- Si c'est seulement par fierté, je suis déçue... Je voulais juste te faire plaisir, ça ne me dérange vraiment pas. C'est entre nous, ça ne me coûte vraiment pas cher... Si c'est le regard des autres qui passe avant tout...
- Non ! J'en ai rien à faire d'eux, c'est juste que me sens mal de te le faire payer... Tu me sauves la vie, m'héberge en cachette en plus ça ? Je me sens trop fautif... Sans moi tu n'aurais pas à faire autant...
Oh...
- Tu m'as aussi sauvé la vie, Josh. Et puis c'est un cadeau, ça se refuse pas. Surtout venant de moi !
Je paie et récupère les sacs sous le regard hautain de la caissière.
- Il y a un problème ? lui demandais-je.
Elle me juge de haut en bas, plantée sur ses talons et son visage peint de 20 couches de fond de teint.
- Misérable, tu vaux mieux mon chou... ronronne celle-là.
Elle griffonne quelque chose sur le ticket de caisse qu'elle offre à Josh, un sourire séducteur écœurant affiché. Trop pour moi, j'arrache le papier et le réduit en lambeaux. Je retire mes lunettes sous son regard de suite moins assuré, jaloux même je dis.
Certains clients se retournent éberlués de me voir ici, et je profite de ce public.
- Tu me fait vraiment de la peine à voir. Je parie que si je ramène de l'eau de javel, toutes tes couches de peintures couleront pour laisser place a l'abominable homme des neiges. Dernière fois que tu fais ça, me suis-je bien fait comprendre ? Si ça ne te suffit pas ton salaire, pense à faire des études ! C'est un choix plus respectable que de faire la poupée libre service ? Mais si tu es aussi vide qu'à l'extérieur, je pense devoir te dire que les études et toi ça ne collera pas. C'est pour les gens qui ont quelque chose là-dedans ! Pas dans le postérieur et la poitrine hein ? Sur ce, au revoir !
Je saupoudre sa tête des lambeaux du ticket et replace mes lunettes sur mon nez et me casse le pas sûr. Josh me rejoint silencieux et nous sortons du centre commercial.
- C'était bien envoyé... place Josh.
- Faut pas abuser quand même ! Les humaines de nos jours j'te jure...
- "Humaines" ? Tu en es une hein ? Ah non, tu es Supergirl ! L'héroïne extraterrestre !
Bien joué, idiote ! Tu veux faire capoter notre mission ?!
Merde...
Je me frappe la tête mentalement et ris faussement à sa comparaison.
- Je voulais dire que de nos jours, les filles adorent prétendre être celles qu'elles ne sont pas. Et avec les réseaux sociaux, elles veulent toute ressembler à quelqu'un d'autre ! Or si tout le monde est pareil, plus rien ne vaut ! Je trouve que la beauté n'est pas physique mais intérieure, il y a certains esprits qui sont tellement raffinés qu'ils en rendent la personne belle. Je ne sais pas si tu me suis, je me suis égarée... Désolée... Peut-être que tu voulais ce numéro...
- Sûrement pas ! rit-il avec douceur.
Ça me réchauffe le cœur, s'il aurait pris le numéro je ne sais pas comment j'aurais réagi...
Moi je l'aurais viré de chez moi...
Toi... Moi il aurait vite capté que j'étais tombé dans ses filets... Et il m'aurait nargué jusque la fin de ses jours...
On monte dans un taxi et nous décidons de rentrer. Je repose ma tête contre la vitre et serre le bouquet qu'il ma offert... Je le renifle encore une fois et ferme les yeux...
- Elle me manque... murmurais-je.
- À moi aussi... Viens là...
Il ouvre ses bras et je m'y réfugie. Ma peau s'électrise à son contact et me procure des papillons dans le ventre... Je ferme l'œil et perd la notion du temps...
PDV LIVY
Il fait noir... J'ai froid... Ça me rappelle la cave... Steve... Je me sens trembler et trop faible je cède à ce sentiment répulsif... Je revois Steve me battre, pas trop pour pouvoir continuer après... Je revois ces hommes... Différents à chaque fois... Si brutaux et agressifs...
J'appelle à l'aide mais il me suit... Rampant sur mes pas, m'attirant à lui... Réveillez-moi ! À bout de forces, je m'écroule et m'arrache les cheveux... Où suis-je ? Où est ma famille ? Je sens la bile remonter et avec dégoût je laisse tout sortir... Ma gorge en feu, je le sens se poser à mes côtés... Il s'accroupit, me caresse le visage et me poignarde... Encore et encore... Avec plus d'énergie... Ce n'est plus la peine d'hurler, personne ne viendra... Je suis morte de toute façon... Je ne vaux plus rien...
PDV ETHAN
Je m'assois sur mon bureau, face à la vue plongeante sur le haut des grattes ciels. Ais-je la force d'ouvrir mon ordi ? Ais-je envie de me connecter au monde extérieur ? Et affronter la dure réalité ? Non... Je me saisis de mon ordi et le jette au sol. Il vole en éclats et je reste à l'observer divisé en mille morceaux comme mon âme...
On frappe à ma porte, et je me presse de tout cacher sous un tapis. J'ouvre et voit ma petite sœur Iris se tenant à la porte.
- J'ai besoin de ton aide...
- Entre. C'est pour quoi ? répondis-je d'un ton faussement léger.
- Hum... Un exercice de maths... Je suis perdue ! Et vu que tu es doué à ça et que Lily n'est pas là, je viens te supplier de m'aider, mon frère adoré !
- Allez, sors-moi ça, qu'on en finisse au plus vite...
Je lis l'énoncé et commence à lui expliquer en détails, ennuyée mais appliquée, elle écrit et résout sans problème le problème.
- J'ai réussi ! Merci, Ethan !
Elle me saute dans les bras et me serre fort. Je lui tapote machinalement le dos et me détache d'elle. Mais elle reste plantée là.
- Je reviens. dit-elle filant vers la sortie.
Que veut-elle encore ? Ne puis-je pas retourner à ma solitude ?
Elle revient son violon à la main.
- Il n'y a rien de mieux que du violon pour se détendre. Juste écoute.
Elle respire un coup, enclenche un fond de piano et entame sa mélodie. Je reste de marbre mais les souvenirs remontent à flots, me submergeant de toutes parts. Noyé par tant de réminiscences, je bloque ma respiration. Ma vie défile sous mes yeux, pas vraiment la mienne, surtout des réussites et... des émotions... Qui me semblent si lointaines, si inconnues... Sentant la seule chose qui m'habite s'agiter, j'ancre mes doigts sur les rebords de la chaise fermant les paupières aussi fort que je le puisse. Des sueurs froides glissent sur ma peau et des tremblements secouent tout mon être. Sa mélodie si horrible m'attaque de toutes parts, tels des milliers d'aiguilles qu'on me plante sous la peau...
- Ça...SUFFIT ! hurlais-je cédant à cette noirceur en moi jusque-là mise de côté.
Iris se recule apeurée et fuit me voyant sur le point de perdre le contrôle.
Je renverse mon bureau et saccage ma chambre. Enfin ce n'est plus ma chambre. Je n'ai plus de maison... J'habite en cette couverture charnelle. Dans un monde aussi fade que celui-là, jamais je ne pourrais y habiter. Je ne suis que passager sur cette terre morte.
PDV JOSH
Nous montons dans l'ascenseur et descendons dans l'appartement de Lily. Cependant un remue-ménage au-dessus gronde et l'ascenseur remonte pour descendre sur une Iris sur le point de pleurer. Elle est droite, tête baissée, ses cheveux en muraille qui descend dans l'ascenseur. Lily aussi confuse que moi, me regarde puis nous nous avançons demander l'ascenseur.
On arrive aux appartements d'Iris, et elle frappe délicatement à la porte, où des reniflements se font entendre.
- Entrez... appelle Iris d'une voix mal-assurée.
Elle me voit et fronce les sourcils.
- Vous vous fréquentez maintenant ?
- Oui, mais dis-moi... Qui t'a mis dans cet état ?
Elle me regarde puis avoue:
- Il était bizarre... Je ne saurais pas le décrire mais il n'est plus aussi aimable... Il est irrité dès que je l'approche, sans même que je n'ai fait quelque chose ! J'étais allée le voir pour un exo de maths vu que tu n'étais pas là. Il m'a aidée mais pas si motivé que ça, alors qu'en temps normal il est content que je m'adresse à lui ! Mais... Imagine, Lily ! Il m'a fait la remarque plusieurs fois que je respirais trop fort et que ça le dérangeait ! J'ai pensé bien faire en lui jouant du violon, vu qu'il a toujours beaucoup apprécié... Mais là, il a pété les plombs ! Il tremblait de rage ! Et a détruit sa chambre ! Je...je ne sais pas ce que j'ai fait...de mal... dit-elle en fondant en larmes.
Qu'est-ce qu'il a pour être aussi agressif ? Lui qui est d'ordinaire si aimable et attentionné envers ses sœurs... Je dois dire qu'il me surprend, jamais je ne l'ai soupçonné d'agir de cette sorte avec sa famille. Il est peace and love comme mec, calme et réfléchi ! Il m'a vanté les talents de violoniste de sa petite sœur et il adore l'écouter pourquoi pas cette fois ?
Lily semble en pleine réflexion aussi et sa sœur la serre dans ses bras... Elle semble surprise de ce geste, elle m'a avoué ne pas trop aimer le contact, le contact c'est pas son truc... Je lui indique de l'entourer dans ses bras et la rassurer, ce qu'elle imite maladroitement.
Elle se détend, puis lui coiffe les cheveux perdue dans ses profondes pensées... Je les observe et décide de monter le voir... Ça ne va pas être la fête, on ne s'est pas adressé la parole depuis... qu'il a su que j'avais amené une fille... Je m'efface et appréhende sur la montée sa réaction...
Je vois par la porte entre-ouverte sa chambre toute retournée, lui debout, les mains dans les poches dos à moi, regardant au loin par la baie vitrée... Je porte ma main à la porte mais finit par l'abaisser... Je ne devrais pas... Vaut mieux rester seul après ça, j'ai bien une vie merdique. J'ai connu la souffrance... Mais je ne vais pas me plaindre, il y a bien pire que moi. Je m'estime heureux d'être encore en vie après tout ce que j'ai traversé.
Je recule et retourne voir les filles. Elles sont maintenant bras dessus, bras dessous, silencieuses.
- Iris ? J'ai beaucoup entendu parler de ton âme de musicienne et je serais ravi de t'entendre jouer.
Ses yeux semblent s'éclairer et elle balaie d'un revers ses larmes.
- Je ne suis pas un prodige aussi... fit-elle rougissant.
Lily me considère d'un regard que je ne saurais comprendre et d'un sourire énigmatique.
- Et j'aimerais jouer avec Lily, j'apprécie énormément les morceaux avec les pianos. La sonorité est si mielleuse...
- Quel honneur j'ai, un spectacle privé ! m'exclamais-je.
- Ça, c'est clair ! ria Lily. Allons à ma chambre dans ce cas.